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Kalliope muse ailleurs
9 septembre 2008

Pourkoi j'M pu la rentré

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Allez, Kalliope fait un effort, au soir d'une longue journée dans la (pas si) lointaine banlieue de F***, pour émerger de sa stupeur et vous raconter sa rentrée au collège S. E.

Il paraît que, peu après mes deux ans, j'ai commencé à pleurer, à faire des scènes, à réclamer à cor et à cri à mes parents le droit d'aller à l'école. On a cédé à mon caprice et je suis entrée en première année de maternelle à l'âge de 2 ans et 4 mois. Il paraît (toujours la légende familiale) que j'étais la plus jeune de la classe mais, qu'en ce premier jour d'école, je fus la seule à ne pas pleurer et que je passai la journée sur les genoux de ma maîtresse.

Pour ma peine, je redoublai ma première année de maternelle, je devins maîtresse moi-même et fus condamnée à y passer ma vie, à l'école.

Quand j'étais petite, même si ça me faisait râler que les vacances - et l'été, et les grasses matinées, et le farniente - se terminent, je crois que j'éprouvais quand même une certaine joie à reprendre le chemin de l'école. Oui, aussi surprenant que cela puisse paraître, je crois que, parfois, pendant quelques instants, j'ai pu aimer ça. Pourquoi ?

> parce que mes parents m'offraient une nouvelle-tenue-de-rentrée. Que, bien entendu, je n'avais pas le droit d'étrenner avant le jour J. Et, encore maintenant, je piaffe toujours quand je sais qu'une nouvelle tenue attend dans mon armoire : je suis impatiente de revêtir mon habit de lumière (ou plutôt d'obscurité car je porte essentiellement du noir...)

Sauf qu'aujourd'hui sur mon dernier mirifique salaire d'ATER (qui, comme ils ont prélevé dessus un nombre incroyable d'arriérés de trucs qu'ils n'avaient pas encore prélevés, aussi impossible que cela puisse paraître, atteignait péniblement le SMIC), après les vacances et les livres à acheter pour dénicher quelques idées de cours, il ne me restait plus un sou pour acheter une pauvre-nouvelle-défroque (genre Cosette, vous voyez ?) donc pas de compensation rentrée. Et puis comme je n'ai jamais été néo-titulaire, pas le droit à la prime Darcos. Et puis comme je ne fais -que- 2h30 d'heures sup par semaine, pas le droit à la prime 3h d'heures sup. (Vous croyez qu'ils ont compris que je les aimais pas ?).

Et puis...

> Autrefois, la rentrée, cela signifiait parcourir 500 mètres depuis chez moi pour retrouver les amis que je n'avais plus vus depuis 2 mois et qui commençaient sérieusement à me manquer...

Aujourd'hui, c'est se taper 45 minutes de RER+bus (et encore, je sais que je suis chanceuse) pour découvrir des collègues que chuis-pas-encore-trop-sûre-passque-j'les-connais-pas de vouloir avoir comme amis (la réciproque étant vraie sans doute...). Et mes copains, eux, sont toujours en vacances. J'ai rencontré entre autres une collègue en anglais très sympa qui m'a expliqué qu'elle faisait l'essentiel de son service au lycée, mais quand même 3h au collège. Elle conclut : "J'enseigne depuis 5 ans au lycée, alors ces 3 heures au collège, je n'ai vraiment pas envie de les faire..." Je lui ai jeté un regard compatissant "je te comprends parfaitement, j'enseignais depuis 6 ans à la fac avant de me retrouver avec un service complet au collège". Et là, c'est moi qui ai senti couler sur moi des flots de compassion...

> Autrefois, la rentrée, c'était le plaisir de mettre à l'épreuve le nouveau professeur et de ricaner avec mes 25 copains quand il faisait un lapsus ou quand il nous laissait le moindre interstice pour faire une blague vaseuse.

Aujourd'hui, je dois retenir le fou rire nerveux et épuisé puis me demander "dois-je sévir ?", quand, après avoir malencontreusement demandé aux élèves de prendre une "feuille vierge" pour faire l'exercice, l'un d'entre eux transperce d'un grand coup de stylo sa feuille en hurlant à la cantonade "j'ai déviergé la feuille". Et je me sens coite... C'est seulement après que me vient la répartie "quand il s'agit d'une feuille, pour pareille opération, encore te faudrait-il savoir écrire", et encore, je ne suis pas sûre de la pertinence d'une telle répartie...

> Autrefois, la rentrée, c'était quand même aussi un peu le plaisir de mythifier le professeur.

Aujourd'hui, je dois endurer, quand j'ai quelques minutes de retard, les remarques du genre "je vous avais dit qu'elle était pas absente. Elle est intuable".

Qui dira la solitude du prof devant ses 25 coalisés ? Difficile de trouver la faille pour toucher leurs coeurs...

> Autrefois, la rentrée, c'étaient les nouveaux cahiers, les beaux stylos et l'odeur de l'encre dans le cartable puis le sac neuf.

Aujourd'hui, c'est retour de vacances au dernier moment, passage chez Gibert qu'on voudrait express mais qui se prolonge des heures le samedi juste avant la rentrée quand le magasin est bondé, bataille avec la photocopieuse, le code et le quota de photocopies qui vous fait jurer entre vos dents quand vous en gâchez une et, malgré vos calculs au plus juste, des feuilles qui débordent de partout.

> Autrefois, la rentrée, c'était parfois le retour à la léthargie passive du ruminant planqué au dernier rang et contemplant le ciel derrière la fenêtre.

Aujourd'hui, c'est être toujours sur le qui-vive, assurer le show sans une seconde d'inattention, prévoir les textes, les photocopies, les devoirs, l'organisation du classeur (et pour une inorganisée de naissance, c'est dur d'être ordonnée pour les autres), le livre à apporter, la page à sauter et jusqu'à la couleur pour souligner.

Mais il y a quand même des constantes...

> l'emploi du temps : par définition, toujours attendu impatiemment et toujours décevant ; parce qu'on ne commence pas tous les jours à 11h pour finir à midi, alors, forcément...

> les dégâts de la première impression : enfants, on s'employait à ne pas se faire remarquer dès le premier cours... Prof, on croit tout blinder, être paré à répondre à la moindre question, on va jusqu'à vérifier la serrure de sa salle pour ne pas s'humilier en peinant à l'ouvrir et... on se ridiculise auprès des 3èmes en prenant le mauvais chemin pour les monter en classe.

> le trac

> la nourriture de la cantine : en dégustant mon cake salé fait maison aujourd'hui, j'ai contemplé sans nostalgie le chou-fleur-boulettes-de-viande-sauce-épaisse-et-grasse (suis pas allée voir le nom poétique du menu) concocté par la restauration scolaire et visiblement savouré par mes voisins.

A bientôt pour les premières perles... j'en fais des colliers... faut dire que je crois avoir un fameux parc d'huîtres cette année.

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Commentaires
Z
contente de retrouver la blogueuse et bien entendu surtout l'amie...<br /> des similitudes dans nos rentrées respectives, même si je ne suis pas en direct devant 25 gosses (et heureusement, vu l'état de fatigue dû à mon unique en charge, je n'ose imaginer les lapsus que je sortirais...)<br /> courage!
A
Aaaah ! Heureusement que nous (nous les gens qui te lisent, bien sûr, je ne suis pas encore mégalo), on est tout dépités de tes absences bloguesques et qu'on savoure ta réapparition !<br /> Allez, hauts les coeurs, le rapide échantillon de tes idées de cours entrevu récemment ne laisse pas trop de doutes sur tes ressources en ce domaine, et quant à ton sens de la répartie, il m'émerveille...<br /> Balance les perles : les sales merdeux ont bien des excuses à leur "huîtrerie", mais certains se la cherchent quand même, la moquerie un peu exaspérée... non ?<br /> Et malgré tout : BONNE RENTREE !
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