La thèse est une vaste pataugeoire...
... où l'on cherche, inlassablement...
Ce post m'a été inspiré par la défection de ma copine-de-piscine, qui préfère consacrer les minutes de son temps de cerveau disponible à rédiger sa thèse. Je lui ai donc répondu (avec cet humour intelligent qui me caractérise et auquel vous commencez à être accoutumés) que moi-même, après avoir bien pataugé sur ma thèse, j'irai me prélasser dans les flots bleus de ma piscine de quartier.
En y réfléchissant mieux, je me suis émerveillée des similitudes entre la thèse et les séances de macération dans le petit bain de notre enfance. Nous en sortions les bouts des doigts tout fripés, bronzés et heureux : de la thèse, on en sort aussi tout fripé (par la vieillesse), blanc mais heureux quand même d'en avoir fini (du moins, je l'imagine !).
A ce point-là de mon post, je m'interromps pour présenter par avance mes excuses aux lecteurs de ce blog qui ne sont pas thésards/ne vivent pas avec un(e) thésard(e) (et il y en a, si incroyable que cela puisse paraître tant l'espèce se multiplie !) et qui, ces derniers temps, ne lisent sur ce blog que des posts consacrés à la dure existence du doctorant moyen.
Amis lecteurs, il faut que vous le sachiez : le thésard est obsessionnel et égocentrique. Quiconque passant au moins 3 ans de sa vie à se débattre seul sur le même sujet ne peut être qu'obsessionnel et égocentrique, en attendant de sombrer dans le solipsisme... ou la folie, c'est selon.
Je reprends donc le fil de ma démonstration : la thèse est une vaste pataugeoire. Oui, comme dans le petit bassin de votre enfance, pour affronter la thèse et le flot traître des idées (même s'il ne mesure que 20 cm), il faut des bouées. Quand bien même on a pied, on ne sait jamais... Et ces bouées, ce sont les illustres ouvrages de ceux qui sont passés avant vous, les courageux pionniers de la critique. Autour du ventre, la bouée canard : un ouvrage publié par les Presses Universitaires de la Duke University (c'est la Saint Donald aujourd'hui, alors bonne fête au petit canard de mon enfance) ou édité par n'importe quel connard qui a été assez gonflant pour pondre avant vous 600 pages sur la question. Sur les bras, des brassards... pour brasser : de l'eau, de l'air, des mots et même parfois (rarement) des idées !
Ainsi équipé, vous êtes paré, mais, comme dans la pataugeoire, il y a au moins 100 personnes qui grouillent autour de vous. C'est immanquable, vous finissez par leur marcher sur les pieds : soit que vous croyez avoir eu une idée géniale par vous-même avant de découvrir, que, malencontreusement, ils l'ont déjà eue (eh oui, ce sont parfois les seules découvertes de la thèse), soit que vous empiétiez sur le sujet sur lequel grenouillent déjà d'autres thésards. Des excuses publiques, affichées en pied de page, dans les notes, sont alors exigées. Il y en a même, paraît-il, qui vont jusqu'à marquer leur territoire dans l'univers du petit bassin par des moyens illicites, histoire de réchauffer l'ambiance...
Comme autrefois dans le petit bain, en thèse, vous ne restez pas longtemps immergé : vous ne cessez d'aller et venir, de plonger et de ressortir, de cours à préparer en copies à corriger, avec un café copains pour égayer tout ça. Ce n'est que de temps en temps, presque en passant, que vous consacrez quelques instants de réflexion à votre sujet. D'ailleurs, quand vous y êtes, vous passez votre temps à sautraler, crier, gesticuler pour attirer l'attention de vos parents/amis qui vous surveillent distraitement depuis le bord. Agacés, ils finissent toujours par vous ordonner de vous calmer "sinon, hein, tu sors !".
Et pourtant, vous le savez bien : le jour où les "Grands" quitteront le bord où, pour le moment, ils vous regardent, goguenards, oui, ce jour-là, où ils décideront de rentrer dans la pataugeoire... ce sera pour vous couler. Vous en sortirez suffoquant, frissonnant, claquant des dents non de froid mais d'angoisse et d'humiliation, les larmes aux yeux, en espérant que maman, papa ou toute autre personne compatissante vous offrira le réconfort d'une serviette de bain chauffée au soleil de l'affection.
Mais même à ce moment-là, vous continuerez à loucher désespérément sur le grand bain : si tentant, si proche et... si loin encore !