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Kalliope muse ailleurs
10 mai 2007

Quitter la politique... pour mieux y revenir.

Ma petite balade littéraire de ces jours demeurera en lien avec l'actualité. Pour en rire et pour en pleurer...

> la gorge serrée en parcourant le très beau roman de l'auteur suédois Henning Mankell, intitulé Tea-Bag et publié au Seuil. Je connaissais les excellents polars de Mankell (mention spéciale à La lionne blanche et à L'homme qui souriait, mais chacun a ses favoris) et là j'ai découvert une toute autre veine. C'est le roman d'un écrivain engagé, grand connaisseur de l'Afrique, qui plonge son lecteur au coeur d'un monde inconnu et discret, celui des immigrés clandestins. L'histoire met en scène un poète qui publie depuis des années des recueils abscons et autocentrés(d'autres font des thèses absconnes au demeurant, mais là n'est pas le propos... et oui, je sais que le féminin de "abscons" est "absconse", sauf dans le cas de ma thèse) jusqu'au jour où, par un concours de circonstances, il renoue avec un ancien ami qui lui fait découvrir un univers inconnu, celui des immigrés en Suède. Jesper Humlin doit apprendre à écrire à 3 jeunes filles. Par elles, il en viendra à côtoyer tout un monde de détresse, de solitude, de désespoir, mais aussi d'énergie à survivre, envers et contre tout. A leur charme, à leur force, il est impossible de résister. Le roman est parfois très drôle, notamment quand le narrateur explore la vie du poète, presque caricatural avec ses phobies et ses petites vanités, persécuté par un éditeur qui veut à toute force lui faire écrire un polar, une mère et une compagne qui exigent de lui des enfants et un courtier qui s'ingénie à lui faire croire qu'il n'a pas tout perdu en bourse. On frôle parfois l'absurde. C'est bien plus sombre quand on se plonge dans les souffrances, les récits et les mensonges de jeunes filles chassées par le malheur et la violence de leur pays d'origine. Au terme de leur quête d'une Europe rêvée, elles ne trouvent que des désillusions et une existence à mener dans la crainte permanente d'être arrêtées et reconduites à la frontière. Ce livre a le mérite, une fois encore, de mettre des noms sur les visages anonymes de tant d'immigrés, sur des gens qu'on n'imagine qu'en groupe. C'est tout de suite moins facile, quand on lit ces tragédies personnelles, de penser "qu'il n'y a qu'à tous les expulser, ça résoudra une grande partie du problème"... Le livre ne verse jamais dans l'angélisme et la béatification des victimes de l'immigration, acculées à l'illégalité et au repliement identitaire pour survivre. Il évite également l'écueil du pathos : le ton reste sobre, le regard lucide mais poignant.

Quelques mots extraits du livre :

"- Moi je t'ai écoutée.

-Tu n'as pas entendu ma voix. Tu n'entendais que la tienne. Tu ne m'as pas vue. Tu voyais une personne qui naissait de tes mots à toi.

-Ce n'est pas vrai.

Tea-Bag haussa les épaules.

-Vrai ou pas vrai, quelle importance ?

-Que va-t-il se passer ?

-On se lève, on s'en va. Tu nous vois partir. On est parties. Voilà. Stockholm est une ville qui vaut les autres, pour les gens qui n'existent pas. Qu'on entrevoit, puis qui s'effacent. Je n'existe pas. Tania non plus. On est des ombres au bord de la lumière. De temps en temps, on tend un pied ou une main, ou un bout de visage à la lumière. Mais on les retire très vite. On est en train de gagner le droit de rester dans ce pays. Comment on va le gagner, je n'en sais rien. Mais aussi longtemps qu'on reste cachées, aussi longtemps qu'on est des ombres et que vous ne voyez qu'un pied ou qu'une main, nous approchons. Un jour nous pourrons peut-être aller dans la lumière. Mais Leïla existe déjà. Elle a trouvé comment sortir du monde des ombres."

Sans doute ai-je beaucoup de points communs avec le héros de l'histoire. Comme lui, des gens, et notamment mon amie Clarisse, se sont efforcés de m'ouvrir les yeux. C'est donc aussi maladroitement que lui, et dans la mesure de mes faibles moyens, que j'essaie de prolonger l'action et l'engagement de ceux qui font "bouger les lignes" (puisque l'expression est à la mode).

> sourires et soupirs à la lecture de l'ouvrage de François Bégaudeau, Entre les murs (folio). C'est le récit du quotidien d'un prof de lettres dans un collège parisien plutôt périphérique que central (et centriste !!), l'histoire de la lutte chaque jour recommencée pour faire cours et continuer à dispenser une culture commune. La narration est rythmée par le calendrier scolaire, les événements petits et grands, l'espoir et le découragement. On y entrevoit quelques visages attachants, on traverse quelques moments cocasses, où l'on éclate d'un grand rire franc mais, le plus souvent, on rit jaune. Les élèves contestent, le prof a la répartie plutôt sèche, l'optimisme n'est pas de rigueur tandis que l'année avance, cahin-caha. Ce n'est pas très encourageant, peut-être réaliste. Pas de commentaires, juste des dialogues. Des mots et des faits, bruts, en apparence du moins. L'auteur prétend se limiter à des instantanés pris sur le vif sans volonté organisatrice. Nous ne lui ferons pas l'injure de croire à sa parfaite objectivité mais l'effet est percutant. On y voit deux camps toujours sur la brèche, tandis que le conflit larvé menace à chaque instant d'éclater.  Je crois que je préfère néanmoins quand ce sont mes amies Gaët et Soph qui me parlent avec passion de leurs cours et de leurs petites victoires de chaque jour.

La parole au livre :

"Pas de feuille au coin de la table du troisième rang où somnolait un polo jaune en satin que j'ai avisé.

- Comment je fais pour t'adresser la parole, toi là-bas ? Comment je vais t'appeler ? J'vais t'appeler Quatre-vingt-quatorze ?

- Ca c'est pas mon prénom m'sieur. Mon prénom c'est Bien-Aimé.

- Ah bon, parce que moi j'me suis dit il a pas mis son nom en coin de table parce que c'est déjà écrit sur son polo.

- Rien à voir m'sieur.

- C'est quoi, alors, quatre-vingt-quatorze ?

- J'sais pas moi, c'est un chiffre.

- Tu veux dire un nombre.

- Ouais c'est ça, un chiffre.

La sonnerie a fait l'effet d'un pétard dans une volière assoupie. Je surveillais du coin de l'oeil Mezut qui se demandait si j'avais oublié ou non, mais a préféré ne pas prendre le risque et s'approcher en silence, déposant d'abord son autoportrait à côté de mon carnet d'absences.

- Tu vas être comme ça toute l'année ?

Sa tête baissée cachait je ne savais quelle mine.

- Je t'écoute. Tu vas être comme ça toute l'année ?

- Comme ça comment ?

- Comme ça genre je me retourne sans arrêt, et je souris bêtement quand on me parle.

- Y'a quelque chose j'avais pas compris.

- Tu vas être comme ça toute l'année ?

- Non.

- Parce que si t'es comme ça toute l'année, ça va être la guerre et c'est toi qui vas perdre. Soit c'est la guerre et ça va être un cauchemar pour toi, soit tu fais les choses bien et ça se passera bien, bonne fin de journée.

- Merci. Au revoir m'sieur."

> Pour rire à gorge déployée, il faut lire l'hilarant pastiche de Gospé et Sempinny, diplômés de toutes les plus hautes écoles "à l'ouest du Pécos". Il est intitulé Le petit Nicolas, Ségolène et les copains et publié aux éditions du Rocher (à Monaco, oui oui, Véro). L'imitation du petit Nicolas et de ceux qui nous gouvernent est parfaite et les chapitres nous permettent de revisiter agréablement les rebondissements de ces derniers mois depuis le référendum et le départ de Raffarin jusqu'à Noël environ. La caricature, jamais méchante, tombe toujours juste.

L'extrait suivant vous convaincra sans doute. Il est extrait du chapitre "Nicolas est candidat" (aux élections du délégué de classe...)

"François a dit que tous les candidats devaient pouvoir s'exprimer à égalité. Parce qu'il dit souvent que Nicolas et Ségolène sont les chouchous de la maîtresse, même qu'ils sont les premiers de la classe alors qu'il n'y a pas de raison.

Lionel a demandé à prendre la parole et il a fait tout un discours. On n'a pas très bien compris ce qu'il voulait dire, parce que c'était trop compliqué.

Laurent a expliqué que ça lui paraissait normal que ça soit lui, le délégué, parce qu'il avait des "facilités".

Ségolène a dit qu'elle était plus gentille et plus soigneuse que les garçons, et qu'une fille pourrait mieux aider la maîtresse, parce qu'elles se comprendraient.

Jean-Marie a dit que ce serait une catastrophe s'il n'était pas élu délégué, parce que c'était vraiment une dernière chance pour la classe et qu'après ce serait bien trop tard.

Philippe a dit qu'on ne pouvait pas élire quelqu'un qui est toujours au piquet.

Dominique a dit qu'il refusait de se présenter, parce qu'il voulait susciter autour de lui un vaste rassemblement.

José et Olivier discutaient au fond de la classe, pour savoir lequel des deux se présenterait. Finalement, ils ont dit qu'ils seraient tous les deux volontaires pour mieux représenter leur sensibilité.

Jack a promis qu'avec lui la classe serait plus gaie. Même qu'il partagerait ses Malabar.

Alors, Nicolas a levé le doigt pour prendre la parole. Il a dit qu'il avait les meilleures notes, et qu'il courait le plus vite, et qu'il n'allait jamais au coin, et qu'alors il était le mieux placé.

Il a dit à Ségolène qu'il la protégerait, et à François qu'il tiendrait compte de ses conseils. Il a dit que Jean-Marie avait raison, mais qu'il avait trop mauvais caractère, et qu'il veillerait à ce qu'il ne soit pas toujours au piquet. Il a dit à Laurent qu'il aimait les voitures de course, et à José qu'il aimait l'odeur du foin à la campagne. Il a dit à Lionel qu'il était le meilleur au foot, et à Jack qu'il était un artiste. Il a même demandé à la maîtresse pourquoi elle n'était pas directrice. Il n'y a qu'à Dominique qu'il n'a pas parlé."

Je ne résiste pas au plaisir de vous donner le résultat de l'élection : une voix chacun !

Bises et bonne lecture,

                                                K*.

PS : je suis pas bayrouiste mais j'ai adoré la couverture du numéro 524 de Marianne (en vente cette semaine mais, pour l'instant, je n'ai vu que l'affiche...)

http://www.marianne2007.info/La-couverture-du-numero-524-de-Marianne-N-ayez-pas-peur-_a1328.html

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Commentaires
F
Tu parles vous n'étiez pas vraiment dans le sud alors!!!!! Avignon c'est l'extrême sud du NORD ça!<br /> J'aime bien faire ma sudiste!!!
Z
Me semblait juste qu'Avignon, ça faisait encore loin de Menthon... ^_^<br /> <br /> Enfin Cornillon plus exactement, le village de Guillaume, charmant d'ailleurs.<br /> <br /> Déjà qu'on a dû descendre en voiture, ce qui est bien épuisant, pas moyen d'aller plus loin!!!
F
Tu vas dans le sud et je ne suis pas au courant??? bref pas de crise d'ego... juste des constatations....
G
Oups... j'avais pas lu ta critique jusqu'à Bégaudeau...<br /> <br /> Je suis d'accord avec toi, le bouquin est pas mal mais il reflète une conception très classique de la relation prof-élève... ce n'est pas ce pourquoi je milite!<br /> <br /> J'avais été un peu gênée par le style des phrases au départ mais au final ce bouquin m'a bien fait rire!<br /> <br /> (Je ne l'ai plus sous la main, je l'ai prêté... mais je me souviens avec amusement de la manière dont il décrivait ses élèves avec ce qu'il y avait d'écrit sur leurs T-shirts ou leurs sweats. Des fois, je me marre toute seule en pensant à ça en regardant ce qui est écrit sur le sweat de mes élèves... surtout depuis que les chinois font plein d'erreurs d'anglais!)
Z
D'accord sur le contenu de Marianne, mais il faut reconnaitre qu'ils savent faire des unes alléchantes, je partage l'avis de Kalliope, celle-là est sympa!<br /> <br /> Je suis impressionnée qu'avec tant de travail, tu arrives à lire et nous faire de supers critiques toujours aussi régulièrement???<br /> <br /> Peu probable cependant que je lise "entre les murs", le quotidien politique est déjà assez déprimant sans en rajouter entre l'installation de notre nouveau président et les luttes internes au PS...<br /> le Sempé et Tea bag, plus tard aussi, pour la même raison, je fais un "break" politique de 4 jours au moins... pour me barrer dans le Sud pour l'Ascension oublier un peu tout ça, faut bien reprendre des forces pour les futures luttes réforme après réforme qui nous attendent! ^_^<br /> <br /> J'ai envie de légereté!<br /> <br /> Tiens au fait, dans ce type de bouquin léger mais pas mal que je recherche en ce moment, je recommande "Un miracle en équilibre" de Lucia Extebarrias (auteur espagnole d'"Amour, Prozac et autres curiosités").<br /> Dans le même registre bouquins sur la grossesse un peu réalistes qu' "Un heureux évènement" de Juliette Abécassis - que je dévore étonnament en ce moment !!- c'est beaucoup mieux, on sort de la simple histoire de trentenaire pour aborder aussi insensiblement la dépendance, la lâcheté, le deuil....etc
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